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Didier Robert a beau communiquer tous azimuts pour répéter
que les travaux de la nouvelle route du littoral (NRL) débuteront en 2013, il
apparaît de plus en plus improbable qu’ils commencent avant les élections régionales de mars 2015. La Région, on s’en souvient, a fait le
choix de la variante comportant deux digues monumentales, variante la moins
coûteuse mais la plus gourmande en matériaux et la plus destructrice sur le
plan environnemental.
La collectivité est maintenant au pied du mur, le temps
des discours et des projections d’images en 3 D est terminé, pour rendre son projet crédible, elle doit
impérativement trouver des carrières susceptibles de fournir les millions de
tonnes de roches massives nécessaires à la constructions de ces digues. Or, il
n’en existe aucune en activité à La Réunion.
Deux sites potentiels
d’extractions de roches massives ont cependant été identifiés, la carrière des
Lataniers à La Possession et le site de Bellevue à La Saline, mais, problème, ils
ne sont pas inscrits dans le Schéma Départemental des Carrières (le SDC) et
d’autre part, les Plans Locaux d’Urbanisme (PLU) des deux communes concernées,
La Possession et Saint-Paul, n’en permettent pas l’exploitation.
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carrière des Lataniers |
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site de Bellevue à La Saline |
Le Conseil Régional doit donc affronter une succession de procédures visant à
modifier ou réviser plusieurs documents de planification afin de les rendre compatibles
avec l’ouverture de nouvelles carrières. Or, qui dit procédures, dit
rallongements des délais et multiplication des recours possibles. Et si comme
cela semble se vérifier, une révision du SAR, le Schéma d’Aménagement Régional,
devenait elle aussi nécessaire, les travaux de construction de la route ne
seraient alors pas près de commencer.
Résumons. La Région doit d’abord demander la modification du Schéma Départemental
des Carrières mais elle doit aussi demander au Préfet la qualification des deux
projets de carrières en Projet d’Intérêt Général (PIG). En effet, seule cette
qualification (« PIG ») permettrait à l’Etat de contraindre les mairies de La Possession et de Saint
Paul à réviser leurs PLU respectifs pour les rendre compatibles avec les
projets de carrières. Toutes ces procédures doivent évidemment respecter un certain
nombre d’étapes : bureaux d’études,
études d’impact, avis des services de l’Etat, délibérations des collectivités, enquête publique, etc.
Or, la Petite Ravine des Lataniers à La Possession et les
ravines Tabac et de Trois Bassins qui longent le site de Bellevue à La Saline, sont classées en ZNIEFF (Zones
Naturelles d’Intérêt Ecologique, Faunistique et Floristique) de type 1, des
zones à préserver strictement car elles abritent des espèces protégées par
arrêtés ministériels.
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La Saline, ravine de Trois Bassins, carte du SAR |
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bois d'éponge |
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Mazambron marron |
Ainsi toute modification du Schéma des Carrières pour y
inclure les deux sites évoqués, exige une étude de terrain très poussée afin
d’évaluer et de géolocaliser leur richesse biologique. La commission chargée d’évaluer cette
biodiversité unique pourrait certes modifier les périmètres des deux ZNIEFF mais
les services de l’Etat doivent tenir compte de l’impact destructeur qu’aurait
sur un environnement unique au monde, une autorisation d’exploitation des
carrières.
Ce n’est pas tout. La carrière des Lataniers sur laquelle la
Région compte beaucoup du fait de sa proximité avec le littoral, est inscrite
en « espace de continuité écologique » au Schéma d’Aménagement
Régional (le SAR) dont les prescriptions en l’état actuel interdisent
l’exploitation de carrières.
Ce qui signifie que toute modification du Schéma
des Carrières devrait entraîner une révision du SAR, document juridiquement supérieur approuvé par décret
en Conseil d’Etat. Même si ces démarches finissent par aboutir et si le
Préfet attribue la qualification
de Projet d’Intérêt Général (PIG) aux deux carrières, les communes auront six mois pour mettre leur PLU
en compatibilité mais la municipalité de Saint-Paul a déjà fait savoir sa vive opposition à l’exploitation du site de Bellevue et elle est habilitée à introduire
devant le Tribunal Administratif un recours en annulation avec effet suspensif.
Bref, 2015 va arriver très vite sans que la construction de
la NRL n’ait réellement commencé. Certes, en attendant, Didier Robert pourra
toujours inaugurer une bretelle d’accès menant à un chantier désespérément vide
mais il n’est pas sûr que les Réunionnais soient dupes. Le Conseil National pour la Protection
de la Nature rendra son avis consultatif le 24 juin, il est fort possible qu’il
soit négatif comme l’était l’avis de son homologue réunionnais, le Conseil
Régional Scientifique du Patrimoine Naturel dont l’avis émis en décembre 2011
condamnait clairement la variante retenue par le Conseil Régional.
On devrait donc reparler de la NRL et du tram train aux
élections régionales de 2015.