dimanche 26 septembre 2010

« CRÉPUSCULE SUR LE BAYOU »




Si on évoque souvent la disparition possible de certains atolls du Pacifique du fait de la montée des eaux résultant du changement climatique, on oublie trop souvent que l’une des régions les plus menacées au monde, est un territoire des Etats Unis dont la population est francophone. Il s’agit de la Louisiane, victime non seulement de violents ouragans comme Katrina, de la marée noire provoquée par la plate forme Deepwater Horizon de BP, mais située aussi en première ligne face à la montée des eaux océaniques. Car le delta du Mississipi s’affaisse et s’enfonce inexorablement sous les eaux (voir l’article de Corine Lesnes, envoyée spéciale du Monde, consacré à la disparition du pays cajun, édition datée du 18 et 19 juillet 2010 ainsi que l’Express daté du 15 juin 2010 : « Les Cajuns broient du noir » et le livre de Mike Tidwell, Bayou Farewell). La Louisiane du sud est tout simplement en train de disparaître. Là où au siècle dernier on cultivait encore dans les bayous, le coton, puis les orangers, il n’y a plus aujourd’hui que des étendues d’eaux salées. Selon Steve Mathies, Directeur de l’Office de protection des côtes de Louisiane, 3000 hectares de zones humides, marais, bayous ou plaines, disparaissent chaque année. La Nouvelle Orléans qui il y a un siècle était encore à quatre-vingts kms de la mer, n’en est plus désormais qu’à quarante. L’exemple de la Louisiane est (tristement) intéressant à plus d’un titre car il montre que les conséquences du dérèglement climatique ne se manifestent pas seulement par des événements brutaux et rapides comme Katrina, mais aussi par des transformations plus lentes dont les hommes prennent progressivement conscience en comparant leur expérience actuelle avec celle dont ils ont gardé le souvenir ou avec celle dont leurs parents leur ont transmis la mémoire. Il montre aussi toute la complexité des problèmes posés par l’adaptation aux phénomènes climatiques. En effet, l’érosion du littoral résulte des grands travaux d’endiguement du Mississipi réalisés au siècle précédent dans le but de protéger les habitants des terribles crues du fleuve, ce qui a eu comme conséquence de réduire les dépôts massifs d’alluvions qui jouaient pour les marais un rôle protecteur face à la houle océanique. Le changement climatique accélère désormais ce processus d’engloutissement. Quant à l’industrie pétrolière qui a aménagé 10 000 kms de voies d’eau pour faire passer ses bateaux et ses pipelines, elle serait, de son côté, responsable de la disparition d’un tiers des terres. Ainsi les effets de l’anthropisation conjugués aux conséquences du changement climatique pourraient réussir là où plusieurs siècles de pressions linguistiques et culturelles nord-américaines ont échoué et faire disparaître à jamais la culture si originale des Cajuns, ce peuple des bayous. Steve Matthies rapporte que 14 milliards de dollars ont été investis pour protéger La Louisiane mais que cela sera certainement insuffisant, il faudrait selon lui, 50 milliards de dollars pour sauver les marais. Rappelons que Katrina a déjà occasionné près de 200 millions de dollars de dégâts Les contribuables de cet Etat sudistes découvrent que l’adaptation a un prix.
Les Cajuns pourraient bien être parmi les premiers réfugiés climatiques du monde occidental.


"Bayou Farewell", The Rich Life and Tragic Death of Louisiana's Cajun Coast” de Mike Tidwell

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