mercredi 24 juillet 2013

UNE NOUVELLE ROUTE DU LITTORAL AU RABAIS

Finie l’époque radieuse où le Président de Région claironnait que la Nouvelle Route du Littoral (NRL) à 2 x 3 voies qu’il allait rapidement faire construire, serait « « gratuite, moderne et sécurisée ». Les difficultés s’amoncellent et on peut même dire que le projet actuel a du plomb dans l’aile. Après le problème crucial des matériaux et des carrières que le Conseil Régional n’a toujours pas résolu, après l’avis négatif du Conseil National de la Protection de la Nature dont nous examinerons bientôt les conséquences,  les dossiers des deux enquêtes publiques relatives au Domaine Public Maritime (DPM) et à la police de l’eau qui s’achèvent ces jours-ci, révèlent que la Région est d’ores et déjà contrainte de revoir à la baisse ses ambitions.


La route sur la digue


Ainsi du fait du rétrécissement de la largeur de la route lors de son  passage de la digue  de 34 m de large  au viaduc (seulement 28,900 m de large), la Région est obligée de sacrifier la 2 x 3 voies  sur toute la longueur du pont, ce qui représente quasiment la moitié de la longueur de la NRL.

rétrécissement lors du passage au viaduc


Dans le sens Saint Denis - La Possession, afin de faire la place à une voie réservée aux cyclistes, la circulation sur la partie viaduc se fera non pas sur trois voies mais uniquement sur deux voies, ce qui veut dire que le TCSP utilisant une des voies, il ne restera aux automobilistes qu’une seule voie de circulation. Dans la mesure où le projet régional annoncé est de réserver une emprise pour un futur TCSP guidé, cela signifie que la voie de droite du viaduc en direction de La Possession ne comportera qu’une seule voie dédiée à l’automobile.

sur le viaduc, disparition d'une voie dans le sens Saint Denis La Possession


Didier Robert qui aime communiquer sur cette route reste très discret sur cet aspect : comment justifier auprès des Réunionnais une dépense  de 1, 660 milliards d’euros pour une route dont le tronçon central se réduira pour l’automobiliste à une seule voie ? On imagine aisément les embouteillages qui résulteront de la moindre panne d’un véhicule et de l’angoisse des automobilistes coincés  30 m au dessus de l’océan. Vous avez dit  « gratuite, moderne et sécurisée » ?

mardi 2 juillet 2013

LE GOUVERNEMENT AYRAULT A UN SERIEUX PROBLEME AVEC L’ECOLOGIE



On se souvient que la toute première Ministre de l’écologie du gouvernement Ayrault, Nicole Bricq, à peine nommée, avait été débarquée promptement pour avoir défié le lobby des pétroliers. En effet, après avoir décidé en juin 2012 de suspendre plusieurs  arrêtés autorisant les forages du groupe Shell au large de la Guyane au vu des risques qu’ils faisaient peser sur l’environnement, elle se proposait aussi de réformer le code minier trop favorable aux pétroliers. Là, c’en était trop. Après une intervention directe des grands patrons du secteur auprès du Premier Ministre, Mme Bricq était congédiée le 21 juin et le lendemain les fameux arrêtés étaient signés. C’est dans ces conditions que Mme Delphine Batho, était  devenue Ministre de l’écologie. A peine un an plus tard, elle est elle aussi débarquée sans ménagement pour avoir critiqué la baisse du budget de son ministère. La méthode est brutale et dit assez le peu de cas que ce gouvernement semble faire de l’écologie. Personne n’ignore d’ailleurs que le Premier Ministre soutient contre vents et marées l’absurde d’aéroport à Notre Dames des Landes ainsi que le projet pharaonique du Conseil Régional  de La Réunion de construire une véritable autoroute sur la mer longue d’à peine 12 km mais dont l’impact environnemental sera terriblement destructeur pour la biodiversité réunionnaise et dont le coût final devrait approcher les 2,5 milliards d’euros.  Comment accepter que le Ministère de l'écologie voit ses crédits amputés de 7 % alors que par ailleurs le gouvernement soutient des grands projets inutiles et coûteux?
L’avis que rendra très prochainement le Conseil National de la Protection de la Nature sur ce projet, sera l’occasion de voir si le successeur de Delphine Batho considère que l’écologie a encore une place dans la politique gouvernementale.

lundi 17 juin 2013

ROUTE DU LITTORAL : DÉBUT DES TRAVAUX CERTAINEMENT REPOUSSÉ APRÈS LES ÉLECTIONS RÉGIONALES DE MARS 2015

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Didier Robert a beau communiquer tous azimuts pour répéter que les travaux de la nouvelle route du littoral (NRL) débuteront en 2013, il apparaît de plus en plus improbable qu’ils commencent avant  les élections régionales de mars 2015.  La Région, on s’en souvient, a fait le choix de la variante comportant deux digues monumentales, variante la moins coûteuse mais la plus gourmande en matériaux et la plus destructrice sur le plan environnemental. 



La collectivité est maintenant au pied du mur, le temps des discours et des projections d’images en 3 D est terminé,  pour rendre son projet crédible, elle doit impérativement trouver des carrières susceptibles de fournir les millions de tonnes de roches massives nécessaires à la constructions de ces digues. Or, il n’en existe aucune en activité à La Réunion. 
Deux sites potentiels d’extractions de roches massives ont cependant été identifiés, la carrière des Lataniers à La Possession et le site de Bellevue à La Saline, mais, problème, ils ne sont pas inscrits dans le Schéma Départemental des Carrières (le SDC) et d’autre part, les Plans Locaux d’Urbanisme (PLU) des deux communes concernées, La Possession et Saint-Paul, n’en permettent pas l’exploitation.

carrière des Lataniers

site de Bellevue à La Saline


Le Conseil Régional doit donc affronter  une succession de procédures visant à modifier ou réviser plusieurs documents de planification afin de les rendre compatibles avec l’ouverture de nouvelles carrières. Or, qui dit procédures, dit rallongements des délais et multiplication des recours possibles. Et si comme cela semble se vérifier, une révision du SAR, le Schéma d’Aménagement Régional, devenait elle aussi nécessaire, les travaux de construction de la route ne seraient alors pas près de commencer.
Résumons. La Région doit d’abord demander  la modification du Schéma Départemental des Carrières mais elle doit aussi demander au Préfet la qualification des deux projets de carrières en Projet d’Intérêt Général (PIG). En effet, seule cette qualification (« PIG ») permettrait à l’Etat de contraindre  les mairies de La Possession et de Saint Paul à réviser leurs PLU respectifs pour les rendre compatibles avec les projets de carrières. Toutes ces procédures doivent évidemment respecter un certain nombre d’étapes : bureaux d’études,  études d’impact, avis des services de l’Etat,  délibérations des collectivités, enquête publique, etc.  

Or, la Petite Ravine des Lataniers à La Possession et les ravines Tabac et de Trois Bassins qui longent le site de Bellevue à La Saline,  sont classées en ZNIEFF (Zones Naturelles d’Intérêt Ecologique, Faunistique et Floristique) de type 1, des zones à préserver strictement car elles abritent des espèces protégées par arrêtés ministériels. 

La Saline, ravine de Trois Bassins, carte du SAR



bois d'éponge

Mazambron marron


Ainsi toute modification du Schéma des Carrières pour y inclure les deux sites évoqués, exige une étude de terrain très poussée afin d’évaluer et de géolocaliser leur richesse biologique.  La commission chargée d’évaluer cette biodiversité unique pourrait certes modifier les périmètres des deux ZNIEFF mais les services de l’Etat doivent tenir compte de l’impact destructeur qu’aurait sur un environnement unique au monde, une autorisation d’exploitation des carrières.  

Ce n’est pas tout. La carrière des Lataniers sur laquelle la Région compte beaucoup du fait de sa proximité avec le littoral, est inscrite en « espace de continuité écologique » au Schéma d’Aménagement Régional (le SAR) dont les prescriptions en l’état actuel interdisent l’exploitation de carrières. 


Ce qui signifie que toute modification du Schéma des Carrières devrait entraîner une révision du SAR, document  juridiquement supérieur approuvé par décret en Conseil d’Etat. Même si ces démarches finissent par aboutir et si le Préfet  attribue la qualification de Projet d’Intérêt Général (PIG) aux deux  carrières, les communes auront six mois pour mettre leur PLU en compatibilité mais la municipalité de Saint-Paul a déjà fait savoir sa vive opposition à l’exploitation du site de Bellevue et elle est habilitée à introduire devant le Tribunal Administratif  un recours en annulation avec effet suspensif.

Bref, 2015 va arriver très vite sans que la construction de la NRL n’ait réellement commencé. Certes, en attendant, Didier Robert pourra toujours inaugurer une bretelle d’accès menant à un chantier désespérément vide mais il n’est pas sûr que les Réunionnais soient dupes.  Le Conseil National pour la Protection de la Nature rendra son avis consultatif le 24 juin, il est fort possible qu’il soit négatif comme l’était l’avis de son homologue réunionnais, le Conseil Régional Scientifique du Patrimoine Naturel dont l’avis émis en décembre 2011 condamnait clairement la variante retenue par le Conseil Régional.

On devrait donc reparler de la NRL et du tram train aux élections régionales de 2015.






















dimanche 7 avril 2013

LE MASSACRE DE LA RAVINE DU GRAND HAZIER (suite)

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Dan' tan lontan : Ravine du Bernica
Les 750 ravines réunionnaises creusées au cours des millénaires sur les pentes extérieures des volcans contribuent à façonner le paysage unique de notre île. Ces œuvres  de la nature constituent de véritables jardins botaniques en jouant un rôle de refuges et de corridors biologiques pour la flore et la faune menacées par l’extension des activités humaines.  Mais les ravines n’ont pas qu’un intérêt écologique, elles ont aussi une forte valeur socioculturelle par la place  particulière qu’elles occupent dans l’imaginaire social des Réunionnais du fait des usages qu’ils en faisaient dan’ tan lontan,  avant que la civilisation de l’automobile et de la société de consommation de masse ne modifient en profondeur leur rapport à la nature.

Dan' tan lontan : Bras Sec


Sur un territoire où l’histoire de la présence humaine est relativement récente, ces ravines, plus vieilles que les châteaux forts médiévaux de la mère patrie, constituent  un patrimoine irremplaçable. Que dirait-on si un individu saccageait en métropole une église romane, aussi modeste soit-elle, afin de se construire un parking ? C’est un peu ce qui se passe dans la partie haute de la ravine sèche du Grand Hazier sur la commune de Sainte Suzanne. 

Haie bordant la ravine du Grand Hazier dans sa partie intacte
Gravats et remblais détruisant  la végétation sur la pente de la ravine
 
partie saccagée : haies détruite et ravine comblée

Au vu et au su de tous, dans une indifférence quasi générale, depuis près de huit ans, une noria de camions benne de 38 tonnes, vient en toute illégalité déverser des milliers de tonnes de gravats et de remblais que le tractopelle d’un propriétaire du coin vient ensuite pousser dans  la ravine pour enfin  aplanir le tout et ainsi la combler progressivement. Il s’agit là, ni plus ni moins, d’un véritable saccage dont le but est la privatisation d’une partie de la ravine. 

Barrière privatisant l'accès à la ravine

 
comblement de la ravine en cours

Remblais et gravats détruisant la végétation au fond de la ravine
 
gravats et déchets attendant d'être poussés dans la ravine
Nous avons déjà posé la question de la responsabilité des autorités publiques et des élus de la commune informés depuis des années mais si peu réactifs que le saccage continue aujourd’hui en toute impunité. Que faire d’autre ?


Il est temps que tous les Réunionnais, dont évidemment les élus, comprennent que les massacres de sites naturels doivent être considérés pour ce qu’ils sont, des agressions, voire des crimes  contre le patrimoine commun. Depuis des années, nombre de ravines ont été enlaidies par des politiques d’aménagements discutables, défigurées par des constructions souvent illégales, les bords en ont été privatisés, beaucoup ont été  polluées par les déchets ou les rejets comme dernièrement la ravine Balthazar  à La Possession, alors certains pourraient penser que finalement cette petite ravine non pérenne ne mérite pas autant d’attention. Ce serait une erreur, aucune ravine aussi petite soit-elle, n’est négligeable, elle fait partie d’un ensemble unique dont il faut désormais préserver ce qui peut l’être
On peut dire en paraphrasant l’urbaniste italien Alberto Magnaghi, que le territoire réunionnais est une œuvre d’art, peut-être la plus noble, la plus collective que des générations de Réunionnais aient jamais réalisée car il est le produit d’un dialogue poursuivi entre l’homme et la nature dans la longue durée. Mais depuis quarante ans, cette œuvre a été altérée par le mode de développement productiviste privilégié par les pouvoirs publics, il convient maintenant que les autorités et les élus prennent enfin leurs responsabilités et commencent par sauver ce qui peut encore l’être  de cette modeste ravine. Ce pourrait être le début d’une prise de conscience plus générale et plus vaste.


partie comblée


jeudi 4 avril 2013

LE SCANDALE DE LA RAVINE DU GRAND HAZIER

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Camion-benne et tracto-pelle à l'oeuvre en bord de ravine

Depuis près de huit ans, au grand jour et en toute illégalité, des camions-bennes de 38 tonnes déversent quotidiennement dans la ravine du Grand Hazier, à hauteur de la rue Martin Luther King, sur la commune de Sainte Suzanne, des déblais et de gravats provenant de divers chantiers de démolition. Une fois les tonnes de déchets déversées, un propriétaire s’affaire  avec son tracto-pelle à combler et à aplanir le terrain ainsi gagné sur la ravine. 



Cela fait aussi huit ans que des riverains interpellent les représentants de l’Etat ou les élus. En vain. Les ravines de La Réunion, on le sait, servent souvent de décharges sauvages mais là on est en présence d’un scandale bien particulier puisque cette activité illégale se déroule tous les jours depuis des années au vu et au su de tout le monde  et que les autorités alertées restent inactives. Non seulement cette activité génère des risques importants en termes de pollutions ou d’éventuels glissements de terrains consécutifs à des fortes pluies mais elle pourrait avoir des conséquences en matière de santé publique dans la mesure où certains déchets de démolitions enterrés dans la ravine peuvent se révéler toxiques et contaminer la terre et les eaux.



Les riverains ont obtenu que des constats soient établis par la DDE en octobre 2005 et par le service environnement de la Mairie de Sainte Suzanne en février 2007 mais sans que cela n’ait eu un effet quelconque sur l’action des camions.
Posons les questions qui fâchent. Pourquoi, ni le Procureur de la République saisi par courrier recommandé le 14 mars 2007, ni le Préfet saisi le 12 octobre 2008, n’ont-ils jugé bon de répondre aux demandes des riverains ? N’est-il pas étrange que ces camions viennent précisément dans cette ravine-là pour la combler illégalement ? Quelles connexions, quelles solides amitiés ou complicités sont à l’œuvre dans ce scandale environnemental pour que ces opérations puissent se faire ainsi  depuis  huit ans, au grand jour en toute impunité ?

vue aérienne


Le cas de  la ravine du Grand Hazier est symptomatique de la façon dont on traite l’environnement à La Réunion. L’incurie du service environnement de  la Mairie de Sainte Suzanne et des services de l’Etat est patente. La DEAL semble ainsi se dédouaner au motif que la ravine, non pérenne, n’est pas cadastrée et qu’elle appartient à un propriétaire privé. Mais les ravines non pérennes  ont bien un statut juridique, elles relèvent de la police générale de l’ordre public que le Maire est tenu de faire respecter  ainsi que de la  police de l’urbanisme et des risques qui s’exerce sur les aménagements réalisés en ravine, notamment grâce aux Plans de Prévention des Risques et aux Plans Locaux d’Urbanisme. 



Quant au propriétaire privé il est lui aussi responsable au regard du Code Civil et du Code de l’Environnement. Enfin  la DEAL ne devrait pas oublier qu’elle dispose de la Brigade de la Nature de l’Océan Indien placée sous son autorité.
Alors, semaine du développement durable oblige, nous espérons que les autorités publiques et les élus concernés vont enfin prendre leurs responsabilités.

mardi 29 janvier 2013

LA PITOYABLE FIN DE GERRI



GERRI, c’est fini.  Didier Robert, le Président du Conseil Régional, vient de l’annoncer, la collectivité qu’il dirige se retire du projet GERRI. Pour mémoire, GERRI, c’était « le premier enfant du Grenelle  de l’Environnement » comme disait Jean-Louis Borloo lorsqu’il était Ministre de l’Ecologie. Effectivement, le 25 octobre 2007, Nicolas Sarkozy, devant un parterre de personnalités dont Al Gore, clôturait le Grenelle  en s’exclamant « Et je vous annonce que dès 2008, nous engagerons le programme Réunion 2030 ». Seul territoire nommément cité par le Président, La Réunion  devait incarner l’innovation et l’excellence écologique.
Le Secrétaire Général aux Affaires Régionales de la Préfecture, Jean Ballandras, rédigeait alors un programme dont la rhétorique un peu pompeuse présentait GERRI (pour GreenEnergy Revolution Reunion Island ) comme une sorte de New Deal écologique et économique, voire, une révolution sociétale dont l'ambition était comparable, selon lui, au Centre Spatial Guyanais ou au Centre d’Expérimentation du Pacifique . Avec GERRI  il s’agissait de faire de La Réunion « le premier territoire aumonde où la totalité des déplacements se fera sans recours aux énergiesfossiles ». Politiquement, il s’agissait surtout pour le gouvernement de faire pièce au projet d’autonomie énergétique défendu par Paul Vergès en obligeant la Région à entrer dans un partenariat avec l’Etat. 
Mais très vite, il est apparu que GERRI, sans financement ni véritable projet politique de développement, n’était qu’une coquille vide. Même le programme d’expérimentation de véhicules électriques lancé en janvier 2010 par Nicolas Sarkozy à La Réunion devant les patrons de grands groupes industriels (Renault, EDF, Groupe Hayot, etc.) est un cuisant échec. Au final, au lieu des 50 voitures électriques prévues, il faudra se contenter de 15 Kangoo  et trois Fluence ZE achetées par des collectivités. Véhicules qui émettront plus de CO2 que les moteurs thermiques puisque l’électricité réunionnaise est pour l’essentiel issue de ressources fossiles importées. C’est donc la fin d’une écologie conçue par des experts et des technocrates comme un gadget technologique que l’on tente de vendre à l’opinion publique par un discours grandiloquent, totalement coupé des réalités réunionnaises. La décision du Conseil Régional était cependant  prévisible depuis le changement de majorité en 2010. Les liquidations successives de la recherche en géothermie, du tram train ou de GERRI ont constitué les étapes obligées d’un programme bien précis, l’enterrement de 1ère classe du rêve d’autonomie énergétique de La Réunion. Avec une nouvelle route du littoral à 2,7 milliards d’euros pour 12 km, 800 000 véhicules sur les routes en 2020 et une nouvelle centrale thermique au Port-Est, c’est au contraire, la dépendance énergétique qui va s’accentuer fortement et alourdir la facture des importations. Six ans après l’ivresse du Grenelle de l’Environnement, aujourd’hui, c’est plutôt la gueule de bois.

mercredi 16 janvier 2013

PLAGES DE L’OUEST, CHRONIQUE D’UNE MORT ANNONCÉE

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Effondrement décembre 2012
l'esplanade effondrée


L’effondrement de l’esplanade surplombant la plage des Roches Noires n’est qu’un nouvel épisode du phénomène d’érosion qui affecte 50 % des côtes réunionnaises et qui semble désormais irréversible du fait d’une artificialisation croissante du littoral réunionnais. L’enrochement auquel la mairie de Saint-Paul a procédé pour parer au plus pressé, est symptomatique de l’étroitesse des marges de manœuvres des élus. On va peut-être freiner l’érosion mais en accentuant l’artificialisation du rivage on le fragilise encore plus et on se condamne à devoir recommencer inlassablement la même opération. 

Les Roches Noires il y a quelques années

enrochement : on pare au plus pressé

Depuis cinquante ans, la pression exercée par les activités humaines s’est considérablement accrue à La Réunion, plus particulièrement sur le littoral où est concentrée la population. Ce sont d’abord  de grands travaux d’artificialisation qui sont à l’origine des menaces, comme par exemple l’endiguement des ravines, la construction de ports, de digues, de l’aéroport de Gillot et de la route du littoral. 




pose de tétrapodes sur la route du littoral (Imazpress)

Cette dernière doit d’ailleurs être régulièrement consolidée par l’ajout de tétrapodes pour éviter qu’elle ne s’enfonce dans la mer. Toutes ces grandes infrastructures modifient les transferts sédimentaires côtiers et ont comme conséquence indirecte l’érosion de portions du littoral éloignées du lieu de leur construction.
Ainsi au Port, la Pointe des Galets a subi une érosion  de 230 m en 50 ans en raison de la perte des sédiments qui provenaient de la Rivière des Galets et qui sont désormais bloqués par la jetée sud du Port Ouest. Le même phénomène affecte le front de mer de Saint Benoît depuis la construction de la digue du Butor. 


Endiguement de la Rivière des Galets, Port Ouest et Pointe des Galets
digue du butor et érosion du littoral (BRGM)


Les menaces, ce sont aussi des activités  comme l’extraction d’alluvions dans les rivières ce qui a comme conséquence de limiter l’apport en sédiments ou encore la dégradation des récifs coralliens qui perturbe leurs fonctions régulatrices.
Enfin, le non respect de la loi Littoral s’est traduit par la multiplication des constructions en dur empiétant sur la zone  de stocks sableux qui permettait une régénération naturelle des plages par le mouvement des vagues.


document BRGM
 Désormais, l’action de la houle a un impact surtout destructeur. 



La disparition de la plage de Saint-Pierre en face de l’ex gendarmerie en est l’exemple le plus frappant.
   
disparition de la plage à Saint-Pierre

Dans le contexte du changement climatique et de l’élévation du niveau des océans, l’avenir des plages réunionnaises est  donc très incertain. A quoi il faut ajouter la menace que fait peser le projet de la nouvelle route du littoral dont une large partie reposera sur deux digues monumentales.

Digue NRL

Celles-ci, d’une longueur totale de près de 7 km, auront  100 m de large à la base et une hauteur de 18 m au-dessus de l’océan au lieu de 4 m actuellement ! Elles vont nécessiter près de 22 millions  de tonnes de matériaux, 18 millions de tonnes de remblai et d’enrochements et 4 millions de matériaux alluvionnaires donc l’extraction aura aussi un coût environnemental. Ces digues auront, en dépit des dénégations officielles, des impacts importants sur le littoral dans la mesure où elles vont modifier les transits sédimentaires.
A Maurice, en Thaïlande, de vastes programmes de lutte contre l’érosion des plages sont mis en place, mais comme à La Réunion, il s’agit en général de travaux accentuant l’artificialisation des côtes et qui risquent de s’avérer coûteux, insuffisants, voire contre-productifs. Reste la stratégie du repli des activités humaines, ce qui supposerait une transformation radicale des activités économiques et d’un mode de vie qu’on aurait pu croire immuable.