dimanche 12 décembre 2010

QUELLE POLITIQUE D’AMÉNAGEMENT POUR LA RÉUNION ?



Le SAR de 1995 n’avait pas permis de mettre fin au mitage des terres, la mixité sociale n’a pas avancé et les implantations urbaines et les schémas de déplacement renforcent l’emprise du tout automobile.
Le projet de SAR qui sera discuté et soumis aux votes des Conseillers Régionaux le 14 décembre, dénature profondément l’ancien projet de Schéma présenté le 10 janvier 2010 en commission de révision et renforce cette tendance lourde. La suppression du tram train n’est pas une simple modification d’un mode de déplacement, elle désarticule le SAR puisque le transport ferré en constituait la colonne vertébrale. Un nouvel aménagement du territoire avec un nouveau type d’urbanisation, un nouveau rapport à l’espace, une limitation au règne du tout automobile, un rééquilibrage en faveur de la région Est, tous ces éléments sont ainsi remis en cause.

L’aménagement du territoire pour les écologistes consiste à favoriser un aménagement durable, c’est-à-dire au service de l’homme et respectueux de l’environnement. C’est donc un aménagement qui favorise l’équité et la solidarité entre microrégions, le maillage territorial et un développement multipolaire. Bref, l’enjeu est celui du développement endogène des territoires.
Le projet soumis à l’Assemblée Plénière du Conseil Régional du 14 décembre tourne le dos à cette conception. Le nouveau projet en entérinant la suppression du transport ferré casse le maillage et substitue au principe de solidarité territoriale celui de pôles de compétitivité.

Quelles sont les modifications apportées ?

• La suppression du Tram Train
• La suppression du « bi-pôle » Saint-André Saint Benoît
• La suppression de la MCUR
• La « prise en compte » du récent classement de Pitons, Cirques et Remparts de La Réunion au Patrimoine mondial de l’humanité de l’UNESCO.

Si les deux derniers points sont sans conséquence majeure sur le projet général du SAR, les deux premiers en revanche ne sont pas indifférents dans leurs conséquences.

La suppression du Tram Train

« Choisir un axe et un moyen de transport, c’est déjà aménager le territoire »



La suppression du réseau ferré dédié aux voyageurs et aux marchandises et la modification du tracé modifie en profondeur, quoiqu’en dise la nouvelle majorité, le Schéma d’Aménagement Régional. Le tram train qui en constituait la « colonne vertébrale », devait non seulement provoquer de nouvelles façons de se déplacer et freiner le tout routier mais aussi permettre de densifier les villes et réduire ainsi l’étalement urbain qui grignote les terres agricoles et accroît la dépendance énergétique puisqu’il rallonge les déplacements et nécessite le recours à la voiture. Supprimer le tram train, c’est choisir de renforcer la tendance lourde qui depuis des années fait dépendre les Réunionnais de l’automobile et accentue la dilatation de l’espace et le mitage des terres agricoles.
Mais curieusement la nouvelle majorité ne parle pas de suppression du tram train, elle indique simplement : « La prise en compte d’un TCSP régional, suite à l’arrêt du projet de Tram Train ».

Consciente que la disparition du Tram Train détruit l’armature du nouveau SAR et qu’il faudrait alors reprendre entièrement le projet, ce qui prendrait deux ou trois ans et bloquerait d’autant les PLU actuellement en cours de révision, la nouvelle majorité régionale prétend conserver l’économie générale du projet en substituant le TCSP (le Trans Eco Express) au projet Tram Train. Le document soumis à la Commission de Révision du 19 octobre évoque donc la réalisation à court terme du TCSP et même « à plus long terme du réseau ferré régional » !
Remplacer un mode de déplacement ferré par un réseau de bus n’a évidemment pas les mêmes conséquences. Le TT avait vocation à transporter les personnes mais aussi a structurer le territoire avec un réseau de gares avec, autour de celles-ci, des impacts en termes de densification. Sur la carte intitulée « Schéma de synthèse » la nouvelle majorité s’est contentée de placer le TCSP sur le tracé initialement dévolu au tram train.
Plusieurs remarquent s’imposent.
Primo, le TCSP n’est pas financé et il est abusif de présenter ce projet comme un projet qui aurait la même valeur structurante que le défunt tram train. Un bus n’a pas le même impact en terme d’urbanisation qu’un train ou un tram.


Deuxio, il y a quand même une modification du tracé entre Saint-Denis et La Possession comme on peut le voir sur la nouvelle carte. Le TCSP passera, si jamais il se réalise un jour, sur la nouvelle route du littoral (si jamais elle se réalise un jour elle aussi). Or, le Tram train passant par La Montagne devait provoquer une forte densification puisqu’il était prévu (voir la carte) une ville relais, c’est à dire, un nouveau pôle urbain contribuant à l’organisation et à la structuration d’un territoire rural et péri urbain. Le nouveau Schéma de synthèse est inconséquent puisque le tracé du tram train à disparu de La Montagne mais le document conserve la représentation graphique de la ville relais de La Montagne qui par définition ne peut plus voir le jour.
Tertio, le choix du passage en mer de la route du littoral et du TCSP qui lui serait associé, est un non sens à l’heure de la mise en place des politiques d’adaptation pour lutter contre le réchauffement climatique. Le choix du nouveau SAR aggrave la vulnérabilité du territoire et de ses infrastructures de transport.
Le tram train enfin, était dimensionné pour le transport de marchandises, en ce sens aussi il était un élément déterminant du maillage territorial puisqu’il permettait de désengorger le réseau routier du flux des camions et autres transports indispensables à l’activité économique.

Le « bi-pôle » de l’Est : une question d’équité et de solidarité territoriales

Le SAR tel que l’a élaboré l’ancienne majorité met en œuvre une nouvelle armature urbaine hiérarchisée avec des pôles principaux, des pôles secondaires, des villes-relais et des bourgs. L’enjeu, cohérent avec la construction du tram train, étant de construire la ville réunionnaise de demain, plus densifiée.


Ce projet prévoyait pour la Région Est un développement bi polaire autour des villes de Saint-André et Saint-Benoît. Il s’agissait de faciliter l’émergence d’une grande agglomération multipolaire s’étendant de Saint-André au Nord jusqu’à Saint-Benoît au Sud et intégrant Bras-Panon. Ceci permettait à chaque ville de préserver et de valoriser son identité sans aucune concurrence. Saint-André et Saint Benoît étaient des pôles principaux. Cette bi polarité avait vocation à respecter les spécificités de ces deux villes et d’impulser un nouveau développement propre à la microrégion Est traditionnellement laissée pour compte. L’enjeu d’un aménagement durable c’est de permettre un développement endogène, c’est à dire résultant des compétences locales et des réseaux de proximité, à la différence du développement exogène où les habitants sont obligés, parce que l’emploi se créée ailleurs, de prendre leur véhicule ou alors de déménager.

La nouvelle majorité a décidé de mettre fin à ce projet de « bi-pole », de rétrograder Saint André au rang de pôle secondaire et d’accorder donc la priorité à Saint-Benoît qui reste le seul pôle principal de l’Est.
Il s’agit là d’une grave erreur imputable à une conception erronée de l’Aménagement du Territoire. Au lieu de privilégier le polycentrisme, l’équité et le rééquilibrage, la nouvelle majorité met en concurrence du micro territoires dans une région qui est déjà en déficit de développement par rapport aux autres microrégions.
La microrégion Est est la première victime de l’abandon du tram train. Son désenclavement et les enjeux de densification urbaine en dépendait. En choisissant la problématique d’aménagement des pôles de compétitivité, l’actuelle majorité régionale ne peut que provoquer des concurrences inutiles et des divisions préjudiciables au développement économique des villes concernées.


La question agricole

Enfin, on ne peut pas parler d’aménagement du territoire sans parler de l’agriculture. Le SAR préconise la sauvegarde des terres agricoles et notamment de la sole cannière. Jamais n’a été posée la question de savoir pourquoi préserver la sole cannière ? Le projet canne promu et défendu par les usiniers constitue-t-il un projet de société pour La Réunion de demain alors que l’OCM sucre fait planer de lourdes menaces sur l’avenir de cette filière ? Le projet agricole défendu par les industriels est coûteux, spatialement extensif et peu pourvoyeur d'emplois. Alors que se posera dans les années à venir, avec acuité, la question de l’auto suffisance alimentaire, le lobby cannier a imposé une véritable pensée unique centrée sur la canne.


Les nouvelles orientations de la filière canne vers la canne-énergie donnent la priorité au modèle productiviste gourmand en énergie fossile et en intrants chimiques.
Le secteur de l’agro industrie prépare l’après sucre en misant sur l’agro énergie : bagasse et agro carburants. La reconversion de la culture cannière vers le secteur énergétique pose une question essentielle : sommes nous réellement dans le développement durable ? La préservation de la sole cannière pour une finalité purement énergétique est-elle compatible avec l’aménagement du territoire ? Autant il y a eu débat sur les transports, le développement du tourisme ou la densification urbaine, autant le débat sur l’agriculture est occulté. Pourtant depuis janvier 2010, la filière canne est contrôlée à 100 % par un des géants de l’agro industrie, le groupe TEREOS.



Pour être précis, les usines réunionnaises sont détenues par une filiale de Tereos, la société Brésilienne, Teros Internacional, créée en mars dernier et plus particulièrement dédiée au développement des agrocarburants. Il est évident que cette main mise pose un problème : les Réunionnais n’ont plus la maîtrise de ce qui se fera sur les 25 000 ha que contrôle désormais un groupe brésilien. Voilà une inconnue qui pèsera pourtant sur l’aménagement de l’espace.

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