samedi 30 avril 2011

LE BONIMENTEUR


L’abandon d’un projet de mode de transport collectif par voie ferrée, le projet d'une nouvelle route du littoral en partie sur viaduc en mer et en 2 X 3 voies, le renoncement aux recherches géothermiques et à l’objectif d’autonomie énergétique, sont des décisions qui font peser de lourdes menaces sur l'avenir de La Réunion.
Je me bornerai ici à aborder uniquement le projet de nouvelle route du littoral. Pour en comprendre les enjeux, il faut rappeler que, chaque année, La Réunion importe massivement des ressources fossiles, hydrocarbures et charbon, pour un montant d'environ 500 millions d’euros par an. 70 % des "énergies" fossiles sont utilisés pour le transport (plus des 2/3 étant dévolu au transport routier) et 30 % pour la production d’électricité. C’est une facture qui coûte cher, qui ne cesse d'augmenter et ne va cesser de le faire avec le choix du tout routier validé par les accords de Matignon II.
Cela coûte cher aussi sur le plan environnemental puisque selon l'Insee, la combustion des énergies fossiles a produit en 2088 à La Réunion, 3,8 millions de tonnes de CO2. Près de la moitié des émissions concerne la production électrique, plus de 45 % le transport. L'engagement de la nouvelle majorité régionale dans un projet routier favorisant l'essor de l'automobile va bien évidemment accentuer et la facture énergétique et la "facture" environnementale.

Maintenant sur la route elle-même, il y a deux aspects à retenir, d’une part, en tant que telle, elle risque d’être un gouffre financier du fait même de la nature du projet (6 voies sur viaduc en mer avec 2 voies dédiées à un éventuel TCSP ferré), d’autre part, ceux qui en font la promotion, ne disent pas un mot sur les externalités, les « coûts externes » qu’il induit pour la société réunionnaise.
Car le choix de Didier Robert, comme le montre le tableau ci-dessous 'emprunté à l'excellent site Carfree) , revient à faire payer à la société réunionnaise tout entière les coûts externes de l‘automobile.
En effet, les choix d’un mode de déplacement imposent non seulement un coût individuel aux usagers (carburant, tarif des transports publics, etc.) mais ils imposent aussi à la société dans son ensemble un coût collectif que l’on appelle un coût externe, non directement supporté par l’usager, mais payé par l’ensemble de la collectivité sous formes d’impôts. Ces coûts externes regroupent les coûts associés : usure de la chaussée, pollution de l’air, bruit, congestion du trafic, accidents de la circulation, soins de santé, et enfin émission de gaz à effet de serre responsables du réchauffement de la planète.
Les études menées en 2004 à Turin, montrent que le coût externe de la voiture est en moyenne 16 fois supérieur à celui du tramway et près de 4 fois supérieur à celui des bus.


Il y a actuellement environ 400 000 véhicules en circulation à La Réunion et du fait de l’abandon du projet ferré et des aléas du Trans-Eco-Express, il devrait y avoir en 2020, si la Route du Littoral est réellement construite, environ entre huit cent mille et un million de voitures particulières.
Mais précisément les incertitudes financières, techniques et juridiques qui pèsent sur le projet sont tellement nombreuses qu'elles contredisent l’optimisme de commande de la Région.

Les politiques d’adaptation qui se mettent en place partout dans le monde pour relever les grands défis qui s’annoncent, introduisent les critères de la «vulnérabilité" au changement climatique pour déterminer si un grand projet constitue un investissement viable ou non, sur le long terme. Les investisseurs publics ou privés postulent désormais que tout grand projet d’infrastructure doit être jugé sur sa capacité pendant sa durée de vie, à relever les défis du Changement Climatique.
Une route à six voies pour partie sur viaduc en mer, est-elle à l’épreuve du changement climatique ?


La multiplication des cyclones et l’augmentation prévisible de leur puissance ainsi que la montée des océans sont des éléments qui risquent de rendre obsolète ce projet pharaonique de 3ème route du littoral, avant même que des travaux soient entamés. Au point que personnellement je pense depuis le début que Didier Robert sait qu'il ne fera jamais ni la nouvelle route, ni un transport collectif en TCSP. Il a été élu avec une mission, c'est de mettre fin au projet du tram train et aujourd'hui Bercy ne compte absolument pas mettre deux milliards d'euros dans un projet absurde de route de quelques kilomètres en viaduc sur la mer. Bref, le nouveau Président de Région nous fait du "boniment", il a la rude tache de faire semblant, d'un côté, de préparer un projet de nouvelle route grandiose, résistante aux cyclone, au changement climatique, respectueuse de l'environnement, etc. et de l'autre, et là ce sera plus difficile, il va devoir trouver un argumentaire pour faire accepter à l'opinion publique, que finalement, il n'y aura jamais de nouvelle route.
Je note que Pierre Vergès aujourd'hui, sur son blog, commence à se poser cette question, je le cite :“C’est à se demander si Didier Robert n’a pas été en service commandé pour fabriquer une usine à gaz devant aboutir à ce que ni le tram train ni la route d littoral ne se fassent !”

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