samedi 7 avril 2012

LES ÉCOLOGISTES ET LA QUESTION SOCIALE



Qu’est-ce qui différencie l’approche écologiste de la question sociale de l’approche des autres partis ? Comment le projet d’Europe Ecologie Les Verts (EELV) envisage-t-il par exemple la question du pouvoir d’achat ?

Le projet politique d’EELV, à la différence des projets des partis productivistes, part du constat des limites physiques de la croissance : nous vivons dans un monde où la croissance infinie est impossible, un monde où la quantité de ressources naturelle disponible est limitée. La crise de 2008 où il y eut une hausse sans précédent des prix des matières premières et des prix agricoles est intimement liée à cette crise des limites physiques de la planète.



Évidemment ces hausses des prix était alimentée par la spéculation mais celle-ci a trouvé sa source dans une anticipation par les spéculateurs de la raréfaction, voire de la rareté des ressources (les combustibles de la croissance) et donc dans une anticipation par ces mêmes spéculateurs des tensions prévisibles entre l’offre et la demande sur le marché.
Si on prend la question alimentaire et la hausse des matières premières agricoles, on constate que la hausse des prix est liée aux phénomènes de stérilisations et d’érosion des terres arables et donc de la diminution de leur surface dans un contexte où la demande mondiale augmente rapidement. Ce raisonnement est aussi valables pour le pétrole mais aussi pour les métaux, cuivre, aluminium, etc.

Or, ce sont les personnes ou familles à revenus modestes qui sont les plus touchées par les hausses des prix. Le % de dépenses pour les ménages à revenus modestes est plus élevé pour le logement, l’alimentation et le transport. Les pauvres sont ainsi victimes d’une double peine : ils souffrent des inégalités sociales et des inégalités environnementales. Voilà pourquoi EELV préconise la décroissance non pas du PIB mais de l’empreinte écologique qui consiste à faire baisser la pression exercée par l’homme sur son environnement (par exemple en réduisant l'impact de la bagnole par une infrastructure moderne et efficace de transport en communs) et en conséquence à permettre aux plus pauvres de desserrer l’étau des « dépenses contraintes ».



LA CONVERSION ÉCOLOGIQUE DE L’ÉCONOMIE
EST LA RÉPONSE À LA QUESTION DE LA JUSTICE SOCIALE

A la question du pouvoir d’achat, la droite n’a qu’une réponse : si vous voulez gagner plus, vous n’avez qu’à travailler plus. La gauche traditionnelle propose, elle, une augmentation des salaires. Par exemple une augmentation immédiate du smic à 1700 euros brut. Dans les deux cas, on raisonne au fond à partir des mêmes présupposés, on répond à la question du pouvoir d’achat par une augmentation des revenus.
Les écologistes raisonnent différemment, non pas qu’ils soient opposés à une augmentation des revenus, mais ils privilégient une action sur la réduction des dépenses contraintes par une politique publique qui doit desserrer l’étau de ces dépenses qui vont inexorablement augmenter et restreignent de plus en plus les autres dépenses, les dépenses arbitrales ou libres.En effet, une simple augmentation des revenus seraient rapidement annulée par la hausse prévisibles des produits pétroliers et des matières premières.



Parmi les dépenses, on distingue les dépenses contraintes (le logement, l’énergie, le transport, l’alimentation) et les dépenses choisies. Parmi les dépenses contraintes, le coût du logement par exemple a augmenté de 25 % ces dernières années et il pèse aujourd'hui beaucoup plus lourdement sur le budget des familles modeste (24 %) que sur celui des familles aisées ( 11 %). Une simple augmentation de salaire n'est donc pas une réponse durable à la question du pouvoir d'achat car une augmentation par exemple de 200 euros, sera rapidement balayée par une hausse des loyers, des carburants et des prix alimentaires.
Or, le vrai problème c’est l’augmentation des dépenses contraintes dans le budget des ménages notamment les plus modestes.

LES SOLUTIONS CUMULÉES PRÉCONISÉES PAR EELV



Logements : EELV préconise la construction massive de logements sociaux (à La Réunion il manque environ 25 000 logements sociaux et il y a 16 000 logements insalubres) afin de faire baisser les tensions sur le marché, l'application de la loi de réquisition sur les logements vides et l'encadrement annuel des loyers en laissant jouer un certain mécanisme de marché. Encadrer, cela signifie qu’on laisse jouer le marché mais on détermine un plafond de hausse de loyer à ne pas dépasser.
EELV préconise aussi la tarification progressive de l’eau, du gaz et de l'électricité. Une tarification progressive pour garantir à toutes et tous l’accès élémentaire à ces biens, favoriser les économies tout en décourageant le gaspillage.
Transport/énergie : une voiture coûte en moyenne 4000 euros/ans, le coût d’usage de l’automobile individuelle est de 23 cts d’euros /km alors qu’il n’est que de 9 cts /km pour le train type TER. Voilà pourquoi il faut investir massivement dans la construction d’un transport en commun sur rail. Cumulé avec la politique du logement évoquée cela permet de donner du pouvoir d’achat réel aux salariés, un gain qui découle d’une politique globale et non d’une simple augmentation des revenus.
La question sociale est donc traitée dans un projet cohérent qui permet de faire décroître l’empreinte écologique de La Réunion. La question du pouvoir d’achat n’est donc pas déconnectée du projet de société.



Sur le plan des revenus. Même si les écologistes questionnent la société de consommation, ils sont parfaitement conscients que de nombreux réunionnais sont dans la grande précarité, soit qu’ils ne vivent que des minima sociaux, soit qu’ils sont des « travailleurs pauvres ». Donc, dans le contexte d’urgence sociale particulièrement prégnant dans notre département, EELV préconise aussi d’agir sur les revenus les plus faibles. Ainsi les minima sociaux seront relevés de + 50 %au cours de la mandature à commencer par l’Allocation aux adultes handicapés.
Et nous favoriseront la mise en place d’une prime salariale pour les travailleurs pauvres : ceux qui gagnent trop pour pouvoir bénéficier de certaines aides mais pas assez pour avoir une vie décente. A La Réunion, 29 000 salariés sont ainsi à temps partiel subi, en dessous du seuil de pauvreté et souhaitent en sortir. Actuellement seules les heures supplémentaires sont sur rémunérées.



EELV préconise aussi la sur rémunération des premières heures travaillées pour tous les salariés à temps partiel subi qui sont sous le mi-temps, ça consiste à sur rémunérer les premières heures et progressivement revenir vers la rémunération moyenne entre 10 et 17 h, à négocier entre partenaires sociaux. L’objectif est de parvenir à ce que même parmi ceux qui ne travaillent qu’à temps partiel subi, personne ne soit en dessous du seuil de pauvreté.
C’est une mesure concrète qui cumulée avec les mesures structurelles évoquées permettra de dégager concrètement du pouvoir d’achat pour les salariés, notamment les plus fragiles.
La réponse n'est donc pas cynique comme la droite mais elle n'est pas non plus "naïve" et purement quantitative comme celle que propose la gauche, elle redonne véritablement du pouvoir d'achat et favorise aussi un "mieux vivre" car inscrite dans un projet global qui conteste le productivisme et lui oppose une autre façon de vivre, d'habiter, de se déplacer, de travailler, etc.

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