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Dan' tan lontan : Ravine du Bernica |
Les 750 ravines
réunionnaises creusées au cours des millénaires sur les pentes extérieures des
volcans contribuent à façonner le paysage unique de notre île. Ces œuvres de la nature constituent de véritables
jardins botaniques en jouant un rôle de refuges et de corridors biologiques
pour la flore et la faune menacées par l’extension des activités humaines. Mais les ravines n’ont pas qu’un
intérêt écologique, elles ont aussi une forte valeur socioculturelle par la place particulière qu’elles occupent dans
l’imaginaire social des Réunionnais du fait des usages qu’ils en faisaient dan’
tan lontan, avant que la
civilisation de l’automobile et de la société de consommation de masse ne
modifient en profondeur leur rapport à la nature.
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Dan' tan lontan : Bras Sec |
Sur un territoire
où l’histoire de la présence humaine est relativement récente, ces ravines,
plus vieilles que les châteaux forts médiévaux de la mère patrie, constituent un patrimoine irremplaçable. Que
dirait-on si un individu saccageait en métropole une église romane, aussi
modeste soit-elle, afin de se construire un parking ? C’est un peu ce qui
se passe dans la partie haute de la ravine sèche du Grand Hazier sur la commune
de Sainte Suzanne.
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Haie bordant la ravine du Grand Hazier dans sa partie intacte |
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Gravats et remblais détruisant la végétation sur la pente de la ravine |
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partie saccagée : haies détruite et ravine comblée |
Au vu et au su de tous, dans une indifférence quasi
générale, depuis près de huit ans, une noria de camions benne de 38 tonnes,
vient en toute illégalité déverser des milliers de tonnes de gravats et de remblais
que le tractopelle d’un propriétaire du coin vient ensuite pousser dans la ravine pour enfin aplanir le tout et ainsi la combler
progressivement. Il s’agit là, ni plus ni moins, d’un véritable saccage dont le
but est la privatisation d’une partie de la ravine.
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Barrière privatisant l'accès à la ravine |
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comblement de la ravine en cours |
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Remblais et gravats détruisant la végétation au fond de la ravine |
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gravats et déchets attendant d'être poussés dans la ravine |
Nous avons déjà posé la
question de la responsabilité des autorités publiques et des élus de la commune
informés depuis des années mais si peu réactifs que le saccage continue
aujourd’hui en toute impunité. Que faire d’autre ?
Il est temps que
tous les Réunionnais, dont évidemment les élus, comprennent que les massacres
de sites naturels doivent être considérés pour ce qu’ils sont, des agressions,
voire des crimes contre le patrimoine
commun. Depuis des années, nombre de ravines ont été enlaidies par des
politiques d’aménagements discutables, défigurées par des constructions souvent
illégales, les bords en ont été privatisés, beaucoup ont été polluées par les déchets ou les rejets
comme dernièrement la ravine Balthazar
à La Possession, alors certains pourraient penser que finalement cette
petite ravine non pérenne ne mérite pas autant d’attention. Ce serait une
erreur, aucune ravine aussi petite soit-elle, n’est négligeable, elle fait
partie d’un ensemble unique dont il faut désormais préserver ce qui peut l’être
On peut dire en
paraphrasant l’urbaniste italien Alberto Magnaghi, que le territoire réunionnais
est une œuvre d’art, peut-être la plus noble, la plus collective que des
générations de Réunionnais aient jamais réalisée car il est le produit d’un
dialogue poursuivi entre l’homme et la nature dans la longue durée. Mais depuis
quarante ans, cette œuvre a été altérée par le mode de développement
productiviste privilégié par les pouvoirs publics, il convient maintenant que
les autorités et les élus prennent enfin leurs responsabilités et commencent
par sauver ce qui peut encore l’être de cette modeste ravine. Ce pourrait être le début d’une
prise de conscience plus générale et plus vaste.
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partie comblée |
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